dimanche 13 septembre 2009

Une rixe

Ma femme et moi avons acheté un condo appartement, un appartement en copropriété dans le centre-ville de Montréal dans le quartier de divertissements près de la rue Adelaide ouest. Dans ce quartier où se trouvent pas mal de boîtes de nuit, certains soirs de la semaine les rues se montrent pleines d'animation. De notre balcon du 8e étage, nous voyons une foule de passants pendant toute la soirée jusqu'à une heure tardive.

Notre immeuble est à deux ou trois pas de la rue Adelaide sur la rue Balmoroh, juste derrière la ligne de magasins qui donnent sur la rue Adelaide. Il y a une ruelle entre ces magasins et l'immeuble qui dessert les portes de l'arrière des magasins.

Un samedi soir du mois de janvier, à 3 heures du matin, j'ai été réveillé par le hurlement d'un homme dans la rue. Dans ce quartier, un tel son n'est pas inconnu. Après que les bars et les boîtes ferment, on peut remarquer de notre balcon une augmentation de passants qui marchent sur le trottoir en titubant, une mesure de succès d'une beuverie, n'est-ce pas ? Et bien sûr, une démarche titubante est parfois accompagnée par des hurlements.

Bon, j'ai profité de mon réveil mais une fois retourné au lit, je continuais à entendre cet homme hurler devant l'immeuble. Après quelques minutes, je me suis décidé à découvrir ce qui se passait. Je me suis levé et j'ai mis ma robe de chambre et puis je suis allé dans la salle pour regarder la ruelle à travers la fenêtre. Je pouvais voir à l'embouchure de la ruelle enneigée un homme qui était visiblement ivre. Il était debout, mais il était très chancelant. Il criait à plein poumons cependant j'avais l'impression qu'il criait à quelqu'un. J'ai regardé le long de la ruelle et au milieu de la ruelle, j'ai vu un groupe de huit hommes ou devrais-je dire huit jeunes hommes ou ados marchant d'un pas lourd dans la neige en train de s'éloigner de l'homme. Un de ces ados avait en main un manteau. J'ai regardé l'homme et j'ai constaté qu'il ne portait pas de manteau. Tout à coup, il m'est venu à l'esprit que quelque chose s'était passé ailleurs entre le hurleur et ce groupe. Évidemment, il y avait eu une altercation quelque part et je pouvais voir pourquoi. M. le Soûlard gueulait d'une manière tout à fait hostile « Hé ! Vous-là, les lâches. Vous n'avez pas les couilles de lutter ? Je peux vous tous battre. Hé … vous êtes un, deux, trois … quatre, cinq, six … Je vais vous tous tabasser ! Moi, tout seul. Lâches ! » Mince alors, ce gars était si rond, il était carré au point de passer de l'audace à la hardiesse. Lui contre huit hommes ? Il ne lui manquait pas une case, il lui en manquait deux !

Soudainement, tout le groupe s'est tourné vers le cinglé et pour je ne sais quelle raison, ils ont décidé de revenir sur leurs pas. Puis l'homme a commencé à marcher vers le groupe pour que tous les deux se rencontrent au milieu de la ruelle juste en dessous de ma fenêtre. Néanmoins, à ce moment, j'avais mis un manteau et j'étais sur mon balcon au 8e étage afin de me pencher sur la balustrade pour mieux voir ce qui se déroulait.

Pendant que l'homme et le groupe se rapprochaient, j'ai entendu un membre du groupe dire à l'homme « Vous devriez vous excuser. » J'ai deviné que quelle que soit la raison pour l'altercation, le soûlard avait probablement commencé quelque chose.

Bon, le moment de vérité, l'homme en face de ce groupe de huit hommes. Un contre huit. C'est certainement le moment de considérer la probabilité de succès qu'on sort sain et sauf compte tenu d'une cote de 8 contre 1. Peu importe, l'ivrogne continuait à accabler le groupe d'injures. « Lâches ! Je peux vous tous battre. » Cette confrontation a duré a peu près une minute quand un membre de ce groupe a fait un pas envers le buveur et a saisi une partie de sa chemise. L'ivrogne a essayé de se défendre ou de battre ce gars, je ne sais pas lequel et puis l'homme qui tenait encore la chemise, a poussé l'ivrogne et il est tombé sur le dos. Tout le groupe a encerclé l'ivrogne. Deux membres du groupe lui ont sauté dessus et ont commencé à lui donner des coups de poing. Deux ou trois autres dans le cercle lui ont donné des coups de pieds dans les côtes. L'image de tout ça était surréelle.

Dans les journaux, j'ai lu des articles sur le phénomène de l'essaim, je parle d'un essaim d'êtres humains. Apparemment, un groupe de personnes commence quelque chose, soit un acte violent et tout le monde y participe même si en tant qu'individus, chaque membre du groupe ne le ferait probablement pas. C'était tout à fait incroyable d'être témoin d'un groupe d'hommes en train d'attaquer cet ivrogne sans considérer le risque de vraiment le blesser ou de le tuer.

Gardez en tête que tout ce qui venait de se passer n'avait pas laissé la trotteuse toucher plus de deux secondes. C'était comme si le temps avait ralenti. « Hé ! J'appelle la police ! » ai-je hurlé aussi fort que je pouvais. Ma voix résonnait dans la ruelle entre l'immeuble et les magasins et tous les membres du groupe ont arrêté en même temps de frapper l'homme pour regarder autour d'eux cherchant la source du cri. À cause de l'écho, personne n'a regardé en haut pensant que la source de la voix devait être dans la ruelle elle-même.

J'étais content de moi, mon hurlement avait produit l'effet voulu : le groupe s'est enfui à l'autre bout de la ruelle laissant l'homme tranquille. Il était à plat dos au milieu de la ruelle dans la neige mais au moins il n'était plus la cible de leurs coups. Je me demandais si, si je n'avais rien fait, j'aurais vu un meurtre se passer devant moi.

L'homme essayait de se mettre debout. Évidemment, il n'était pas blessé, disons qu'il n'était pas visiblement blessé, mais il était très, très ivre. Une fois debout, il a tenté de ramasser son manteau en vacillant beaucoup sur ses jambes. Il s'est appuyé contre un mur pendant un moment et paf ! il est tombé et je le voyais à nouveau sur le dos dans la ruelle. Je me suis hâté de retrouver le téléphone, je voulais contacter le concierge de notre immeuble. Pas de réponse. Je regardais la ruelle et l'homme délibérant sur un appel d'urgence 911 lorsqu'une femme est entrée dans la ruelle en courant. Une joggeuse à 3 heures du matin ? Un peu bizarroïde.

Elle a couru jusqu'à l'homme et elle s'est agenouillée à côté de lui. « Mary ! Comment vas-tu ? » a dit l'homme d'un ton tout à fait plaisant et amical comme si rien ne venait de se passer. Je pensais que l'homme se portait assez bien. Je pouvais entendre la conversation entre l'homme et la femme et j'espérais reconstituer un peu les événements. J'ai imaginé que quelque chose s'était passé ailleurs, il y avait eu une dispute, mais la conversation entre le couple n'a rien révélé.

Soudain, la conversation a été interrompue par l'arrivée d'un fourgon banalisé duquel sont sortis trois policiers. J'ai eu l'impression que la femme avait déjà prévenu la police du problème avant de venir chercher son ami. J'ai gloussé en entendant l'homme expliquer aux policiers comment il avait été attaqué par les noirs : tous les ados dans cet essaim étaient blancs. Ha ! Une chose que j'ai trouvé curieux, c'était que l'homme a toujours été poli envers la police. Pas de jurons, un comportement respectueux, quel contraste avec le déjanté criant à tue-tête auparavant.

En fin de compte, après 5 minutes, en plus du fourgon, j'ai compté trois voitures de police et deux policiers montés. Ce nombre de policiers sur le lieu pourrait sembler un peu bizarre, sinon excessif, toutefois, il faut garder en tête que ma femme et moi habitons ce quartier de divertissement où se trouvent toutes ces boîtes de nuit surveillées de près par la police de Montréal.

La police a demandé à l'homme s'il avait besoin d'une ambulance mais il a refusé et la femme a expliqué à la police qu'elle avait l'intention de prendre soin de lui. Le couple a quitté la ruelle, les policiers se sont parlé pendant deux ou trois minutes et puis, la ruelle était à nouveau tranquille. J'ai quitté le balcon et retourné à mon lit douillet. Oui, j'avais réfléchi sur la possibilité de descendre pour parler avec la police mais je m'étais dit que je ne pouvais vraiment ajouter aucune clarification : tout est bien qui finit bien.

Je n'ai jamais vu d'essaim d'ados. J'espère que je ne vais jamais en revoir un. Mais si au hasard j'en vois un, je n'ai aucune intention de miser à 8 contre 1 ! Je vais courir aussi vite que possible. Un héros mort est toujours mort !

2009-01-21

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