dimanche 13 septembre 2009

Pauvre de moi

Qui n'a pas proféré à un moment quelconque « Pauvre de moi ». Nous avons tous nos problèmes. Nous avons tous subi des défaites, des pertes, des inconvénients de la vie. À tel ou tel moment, se lamenter sur son propre sort semble justifié. Cependant, citons un proverbe chinois : « J’étais furieux de n’avoir pas de souliers; alors j’ai rencontré un homme qui n’avait pas de pieds. »

Ce week-end passé, en surfant sur Internet, j'ai trouvé au hasard l'histoire d'une jeune femme inconnue, une histoire qui m'a horrifié et qui m'a fait penser que moi je n'ai aucun droit d'articuler les mots « pauvre de moi » dans n'importe quelles circonstances.

Jacqueline Saburido, née en 1978 au Venezuela, alla aux États-Unis en 1999 pour étudier l'anglais. Le 19 septembre, 1999, elle participa à une fête de naissance et après deux ou trois heures, elle et ses 4 amis se décidèrent à rentrer chez eux. Pendant le trajet en voiture, leur véhicule fut percuté par un SUV conduit par un homme, Reginald Stephey, âgé de 17 ans qui était en état d'ivresse. Deux passagers furent tués immédiatement, quant aux deux autres ils ne furent que légèrement blessés. Jacqueline était immobilisée dans la voiture, un de ses pieds coincé en dessous de son siège. La voiture prit feu et Jacqueline subit des brulures sur plus de 60% de son corps. La conséquence de ce tragique accident, Jacqueline perdit tous les doigts de chaque main, les cheveux, les oreilles, le nez, les lèvres, la paupière de l'œil gauche et la majorité de la vue. Depuis l'accident elle subit plus 50 interventions chirurgicales et d'après ce qui a été dit, d'autres vont suivre.

J'ai vu une photo de cette femme, de cette fille de 19 ans avant l'accident : jolie, pleine de joie de vivre, quelqu'un qui a l'air d'avoir un avenir prometteur. Puis, j'ai vu une photo de cette femme après l'accident. Devais-je en avoir honte ? Ma première réaction à cette photo était l'écœurement et même la nausée. Cette jeune femme était défigurée à un point où j'avais de la difficulté à la reconnaître comme étant un être humain. C'était épouvantable, attristant. La question m'est venue à l'esprit s'il avait valu mieux la voir mourir dans l'accident. Je ne pouvais imaginer comment elle pouvait continuer à vivre dans ces circonstances. Le changement radical de sa vie, la dégringolade de son sort à la suite de l'accident ... cette histoire défiait toute description. J'aurais pensé qu'elle trouverait la vie insurmontable.

La Première Guerre fut brutale et j'ai eu des occasions de voir des photos des soldats mutilés : la moitié d'un visage disparue, une mâchoire manquante, la perte du nez, des yeux, les blessures les plus horrifiantes que j'aie jamais vues. Je pense que c'était le début de la chirurgie réparatrice moderne. C'était effrayant. Regarder ces mutilations m'a rappelé comment la guerre est dévastatrice. Si nous étions tous obligés de regarder ces photos, de rencontrer ces gens face à face, serions-nous si prêts à retirer l'épée du fourreau ?

C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit quand j'ai vu des photos de Jacqueline. Une personne subit une blessure si profonde, si ravageuse, comment pouvons-nous imaginer, concevoir que cette personne puisse un jour, avoir de nouveau une vie normale, dans tous les sens de ce terme.

Les séquelles : Le chauffeur Reginald fut condamné à sept ans de prison. Il en sortit en 2008. Jacqueline alla aux États-Unis où elle continue en ce moment à employer son histoire et ses photos pour promouvoir une campagne contre l'ivresse au volant. Elle a appris l'anglais. Elle a été une invitée à l'émission Oprah Winfrey. Elle maintient son propre site Web.

En ce qui concerne le chauffeur, Jacqueline eut l'occasion de le rencontrer juste après le procès en 2001 qui l'eut condamné à sept ans de prison. Jacqueline déclara que Reginald eut complètement détruit sa vie, cependant, elle le pardonna. Même à la sortie de prison en 2008 de Reginald Stephey, Jacqueline répéta qu'elle ne le détestait pas.

Si cette histoire peut nous servir de leçon, quelle en est exactement cette leçon ?

On parle de temps à autre d'une seconde chance dans un contexte où telle ou telle personne en mérite une ou non. - Ah, j'ai raté mon travail, puis-je le ressayer ? Puis-je avoir une seconde chance ? - Il nous faut nous rappeler que parfois il n'y a pas de seconde chance. Nous n'avons qu'une vie. Si nous la perdons, il n'y a pas de possibilité d'en obtenir une autre.

Jacqueline est encore en vie. Toutefois, la seconde chance qu'elle a n'est pas la même que nous avons quand nous ratons notre travail. Elle a eu une expérience qui a totalement bouleversé sa vie, la seule vie qu'elle a. Pour moi, je ne peux pas penser à une seule expérience de ma vie qui ressemble à l'expérience de cette femme. Et quand j'y pense, je dois exprimer une certaine reconnaissance de n'avoir jamais connu une chose pareille. En fait, face à une telle histoire, je ne devrais jamais oser exprimer à haute voix « pauvre de moi ».


Jacqueline Saburido: Wikipédia en français
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacqueline_saburido

Jacqueline Saburido: Wikipédia en anglais
http://en.wikipedia.org/wiki/Jacqueline_Saburido

Jacqueline Saburido: son propre site Web (anglais et espagnol)
http://www.helpjacqui.com

2009-06-24

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