dimanche 13 septembre 2009

Le Métro


« Le Meilleur Moyen [de transport] », la devise de la CTT, la Commission de transport de Toronto est une recommandation à suivre pour n'importe qui en ville. En ville, une voiture n'est pas un atout, c'est une responsabilité. Le stationnement est très limité et s'il est disponible, il est souvent cher. En revanche, compte tenu de la proximité de presque tout ce qu'on veut : magasins, cinéma, restaus, qui a besoin d'une voiture? Pourquoi ne pas prendre le métro … ou pourquoi ne pas marcher ?

Cependant, il faut reconnaître qu'il faut être en ville pour bien profiter du métro. Ça fait plus de deux ans maintenant que ma femme et moi avons quitté notre maison de banlieue pour les lumières de la grande ville et notre condo appart et déjà, ce couple qui possédait deux voitures est parvenu à se débarrasser de l'une d'elles. Quand nous étions en banlieue, il m'était plus facile de conduire jusqu'au bureau que de prendre le transport en commun. Maintenant que je suis en ville, maintenant que je dois faire face à une forte augmentation de circulation devant ma porte, j'ai découvert que le Meilleur Moyen était en effet le meilleur moyen et je prends le métro tous les jours pour me rendre au bureau. Ce n'est plus la peine de repérer le bon chemin autour des embouteillages, de patienter aux feux rouges, de me rouler l'index dans la tempe chaque fois qu'un chauffard cinglé fait preuve d'un manque total d'habileté à conduire un véhicule automobile.

Marcher jusqu'à la station, attendre la prochaine rame sur le quai, trouver une place, me relaxer et profiter de 45 minutes de libres pour lire le journal, pour cogiter sur les affaires du monde, pour roupiller. Je pense que c'est ça la façon de faire face au trajet quotidien de chez soi au boulot pour moi comme pour pas mal de monde. Une fois installés, nous avons tous ce moment pour être seuls avec nos pensées, inconscients de tout ce qui nous entoure. Néanmoins, de temps en temps, il y a une interruption dans notre tranquillité, parfois un moment partagé par tout le monde.

L'Annonce
Au fil des années, j'ai eu une expérience, probablement vécue ou devrais-je dire subie par nous tous en ce qui concerne les systèmes de sonorisation dans les lieux publics que ce soit dans une salle de conférence, dans un avion ou dans le métro. J'entends le son d'une voix humaine émanant d'un haut-parleur quelque part mais à cause des bruits parasites, je ne peux pas vraiment discerner ce que la voix articule. S'agit-il de quelque chose d'important ? Un danger ? De la pub ? Cette annonce est-elle applicable à moi, à ce que je fais ? Je sais seulement qu'il y a une annonce que je devrais écouter mais que je ne peux pas l'entendre très bien.

Une fois, quand j'étais dans le métro en route pour mon travail, j'ai entendu le bruit d'un haut-parleur qui indiquait que quelqu'un allait faire une annonce. « Ici l'Autorité centrale de la CTT. Nous voudrions xxx mmm eeeee … problème … eeee hhh ssss. Nous vous informerons dddd eee … » C'est-à-dire que je ne pouvais pas entendre tout le message à cause des bruits parasites. C'était très frustrant et bien sûr, j'ai commencé à imaginer le genre de problèmes qui pouvaient à l'époque m'empêcher d'arriver au boulot à l'heure et de m'installer devant mon bureau pour fouiller dans ma boîte de réception, armé d'une bonne tasse de café.

Pendant le moment de silence qui a suivi, je pouvais voir partout dans le wagon de métro les mines des autres passagers où se lisait une expression de perplexité face à ce message incomplet. Chacun regardait autour de soi en espérant que quelqu'un d'autre, un voisin peut-être, offrirait une explication.

Tout à coup, nous avons tous entendu encore une fois ce bruit distinct d'un haut parleur qui indique le début d'une annonce. « Mesdames et messieurs. Ici le chauffeur de votre rame. L'autorité centrale de la CTT vient de faire un communiqué très important et je voulais profiter de cette occasion pour vous répéter cette nouvelle. » La voix parlait d'une manière très articulée, la qualité du son émanant du haut-parleur était parfaite. En comparaison avec l'autre message, je pouvais très facilement comprendre tout ce que cet homme disait.

Le chauffeur a continué à parler mais à ce moment-là, il m'a semblé bien évident que le chauffeur avait mis sa main sur le microphone et qu'il essayait de reproduire avec sa bouche les bruits parasites de la première annonce. « Ici l'Autorité centrale de la CTT. Nous voudrions xxx mmm eeeee … problème … eeee hhh ssss. Nous vous informerons dddd eee … » Pendant un instant très bref je me suis interrogé sur la signification de ce qu'il disait et puis, je me suis rendu compte que le chauffeur plaisantait en essayant d'imiter la mauvaise qualité du son de la première annonce. Le fait qu'un chauffeur de métro prenne le micro pour faire non pas une annonce mais une blague était si inattendu, si insolite que le moment a été rendu beaucoup plus cocasse. J'ai pouffé de rire. En regardant autour de moi je pouvais voir tous les passagers rire. Chacun riait aux éclats regardant les autres autour de soi. C'était un moment partagé qui était vraiment amusant.

Sans faire aucune référence à sa plaisanterie, le chauffeur comique a expliqué par la suite que l'autorité centrale voulait annoncer un petit problème quelque part dans le métro et « … tout sera réglé aussi vite que possible. Bonne journée. » Tous les passagers et moi avons bien apprécié cette péripétie peu banale dans notre métro-boulot-dodo et nous avions tous un sourire.

Crotte de bique
De temps en temps, dans ma vie soi-disant normale, il m'arrive de tomber sur des choses inhabituelles, des choses parfois si curieuses que j'en viens à me demander s'il existe une explication rationnelle à l'origine de ces choses. Qui était cette personne ou ces personnes-là ? Pourquoi avait-on fait telle ou telle chose ? Quels avaient été les résultats de ces actions ou est-ce qu'il n'y avait personne d'autre là pour être témoin de cet incident ?

Un jour que je prenais le métro pour me rendre à mon gagne-pain, j'attendais sur le quai la prochaine rame. Elle est arrivée, les portières se sont ouvertes et j'ai fait un pas dans un wagon de métro. Je suis resté à la portière pendant un moment pour regarder autour de moi tentant de déterminer le meilleur siège à choisir pour mon trajet de 45 minutes au bureau. À ma gauche, j'ai constaté deux bancs libres, en effet, il n'y avait personne à ce bout de la voiture. Personne. Peut-être curieux, mais peut-être que j'étais en avance sur la marée de travailleurs voyageant à l'heure de pointe.

J'ai fait quelques pas pour me rendre au premier banc. J'étais sur le point de m'asseoir quand j'ai remarqué quelque chose sur le plancher. Ce que je trouve maintenant si marrant, c'est comment il faut à notre cerveau parfois un instant pour traiter les informations oculaires, pour vérifier que ce que nous voyons de nos propres yeux est en effet vrai et non pas imaginaire. Moi, je regardais le plancher et ce que je voyais était hors contexte. Ce n'était pas quelque chose auquel je m'attendais dans ces circonstances et je devais le dévisager. Quelqu'un, une personne inconnue, un animal avait déféqué sur le plancher. Je regardais un tas de merde sur le plancher d'une voiture de métro ! C'était incroyable. J'en étais tout à fait ahuri. Pouah ! Dégueulasse ! Quelle abomination ! Qui aurait pu faire une chose pareille ?

J'ai fait volte-face et j'ai marché dans la direction opposée vers l'autre bout de la voiture. Après avoir fait deux pas, juste à l'autre côté de la portière, j'ai aperçu un banc libre qui faisait face au bout de la voiture où cette « rencontre du troisième type » venait de se passer et une idée espiègle m'est venue à l'esprit. Assis sur ce banc en face, je pourrais être à l'affût de ce qui se passerait quand d'autres passagers, sans la moindre méfiance, se trouveraient face à face avec une commission qui ne figurait pas sur leur liste.

La première victime, une femme, a fait presque la même chose que moi. Elle est restée à la portière pendant un moment, elle a regardé autour d'elle cherchant un siège libre et puis elle s'est tournée vers le bout de la voiture où il n'y avait personne et où il y avait deux bancs inoccupés. Comme moi, elle a failli s'asseoir sur le premier banc avant de se figer devant probablement le pire moment de sa journée. Je gloussais sans bruit en imaginant comment les neurones fonctionnaient à la vitesse grande V pour concilier deux idées contradictoires : un grand espace et un petit coin. La femme a fini bien sûr par prendre un virage à 180 degrés et elle a disparu dans l'autre partie de la voiture.

À chaque arrêt, j'avais les yeux fixés sur la portière pour voir ce que la prochaine personne ferait. La perplexité, le dégoût, même un petit sourire. J'ai eu l'impression qu'un pauvre gars, qui était devenu si pâle face à cette surprise, était sur le point de rendre ! Une fois à mon bureau, j'ai téléphoné à la CTT pour rapporter cet incident sur la voiture numéro 5545. Le service à la clientèle m'a remercié d'avoir téléphoné en exprimant de la surprise et j'ai dû ajouter que je n'avais jamais vu une telle chose dans le métro. C'était la première fois et j'espère la dernière fois !

Le Dernier Mot
J'ai visité la ville de Toronto pour la première fois il y a 40 ans. Depuis ce temps, j'ai passé presque 25 ans à Toronto et je considère cette ville comme chez moi. Je trouve la ville et son métro sans danger et propre. J'ai eu l'occasion de prendre le métro à New York, Washington, Londres, Paris et même Lyon et j'ai toujours trouvé l'expérience agréable et efficace. Je suis certain que l'on pourrait raconter des expériences semblables dans ces autres métros, peut-être encore plus amusantes, peut-être encore pires. Cependant, pour cette fois-ci, deux petites histoires de mes aventures dans le métro de Toronto, deux éclaircies dans le train-train de mon temps passé dans les transports en commun.

2008-11-18

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